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GOURBEYRE :

le corridor entre monts, maar (1), et mesa (2) par Max ETNA*

Au risque de déplaire à ceux pour qui patrimoine rime obligatoirement avec héritage du passé et artefacts mobiliers, utilitaires et usiniers, nous affirmons qu’il est important d’observer en premier cette commune du Sud-Basse-Terre du point de vue des fondamentaux géographiques naturels. En effet, la tentation de présenter Gourbeyre exclusivement à travers le localisme d’un récit centré sur les vestiges d’un ancien village précolombien, de l’habitation-sucrerie de Bisdary, du cimetière des jésuites, de l’aqueduc à St Charles, de l’habitation Valeau, de la villa Saint Joseph, de la mémoire du gouverneur Gourbeyre, entre autres semble accréditer l’option historique.

Ces fondamentaux du cadre physique territorial quels sont-ils ? Un début de réponse viendra pourquoi pas des automobilistes fréquentant la nationale 1 depuis Capesterre-Belle-Eau. Beaucoup ne retiendront de leur passage du col éponyme gourbeyrien qu’un bourg étiré est-ouest sous le diktat topographique d’un défilé (Val Kanaërs) borné tant au nord qu’au sud : Plateau ou mesa du Palmiste/Monts Caraïbes. Poursuivant vers Basse-Terre, ils n’auront peut-être vu qu’un ovale de plaine d’altitude où siègent quelques grandes surfaces et terrains de sport, témoin du remplissage sédimentaire ultime d’un lac volcanique de barrage. Avant de dévaler la célèbre rampe de Blanchet, ils pourront garder à l’esprit la massive bâtisse de l’église Saint-Charles-Borromée délavée par le temps et les pluies et meurtrie pour cause de séisme lézardeur de clocher. Emportés par l’ancienne nationale-toboggan de Saint-Charles/Bisdary, ils seront tentés par un crochet vers l’observatoire volcanologique du Houëlmont pour, in fine, mettre palmes et masques à Rivière-Sens et entrevoir les épaves des barges à bananes au pied des falaises de strates cendreuses. Et s’il était besoin de rajouter une couche sur la primauté des formes de reliefs et de leurs corollaires bio-climatiques insulaires et tropicaux, il suffirait à nos voyageurs - pour compléter l’identité visuelle paysagère de cette commune méridionale - de prendre la direction de Pointe-à-Pitre, de franchir à nouveau Grande Savane et Dos d’Ane (autre appellation du col de Gourbeyre) pour basculer vers la Côte-au-Vent et prendre un bol de contemplation paysagère au belvédère de la Regrettée. Là, l’habitat ne peut que s’adapter au caractère accidenté du piedmont couronné à l’ouest et au sud-ouest par les crêtes, les necks et les dômes des Monts Caraïbes, au nord-ouest par la mesa du Palmiste et au nord par le Gros Fougas et le grand appareil émergent, la Madeleine. Dans ce secteur pentu, précisément à Gros Morne Dolé, se matérialise abruptement le plateau précité sous la forme singulière d’un épais front de coulée de lave issu du Morne Langlet et daté de 67 000 ans. En contrebas, la vieille route coloniale de Dolé frôle sans cesse cascades et ravines abreuvant une végétation luxuriante ainsi que les innombrables plantations bananières. Sous le climat d’altitude et d’abondance pluviale s’y développent horticulture et maraîchage des Hauts de Gourbeyre, depuis Champfleury.

Si un maximum de précipitations et d’humidité apportées par les alizés sont bloquées sur les hauteurs, il n’en va pas de même pour le vent toujours en quête d’un passage préférentiel, en zone peu élevée si possible. Le corridor de Gourbeyre, transformé en couloir aérologique, en est une illustration patente engendrant ici un phénomène de venturi (d’accélération) dont profitent les petits aéronefs qui décollent et atterrissent de l’aérodrome de Basse-Terre/Baillif en raison de l’alignement axial de ces 2 sites. Insistons bien sur la fonction de col (de montagne) qui n’existe que par la grâce du gros épanchement lavique du Palmiste venu buter sur les édifices volcaniques des Monts Caraïbes beaucoup plus anciens (500 000 ans). Pour qui cherche le confort thermique d’un îlot de fraîcheur résidentiel, la zone périphérique de cette trouée orographique semble parfaite. Pour qui prospecte un passage aménageable, un orifice « carrossable » au plan routier sur l’ensemble de la chaîne volcanique basse-terrienne, l’unique emplacement pour relier (sans travaux titanesques) Côte-au-Vent et Côte-sous-le-Vent réside au col de Val Kanaërs. Les soldats anglais, français et les rebelles de la Guerre de Guadeloupe (mai 1802) ne s’y sont pas trompés en révélant les propriétés stratégiques de ce verrou altitudinal. Économistes, chefs d’entreprises et planificateurs du territoire contemporains ont su à leur tour rentabiliser cet espace contraint par des opportunités d’investissement public ou privé...

Autre levier favorable du lieu inhérent à sa fonction géographique d’ensellement(1), plus précisément de col : la concrétisation d’une voie passante incontournable en termes de communication et de transport.
À cet égard, ce segment de l’artère RN1 joue véritablement un rôle à la fois de porte d’entrée du cheflieu et de fixateur d’oscillations domicile/travail dans le Sud-Basse-Terre. Mais Gourbeyre a de quoi être jalousé de par sa prédisposition touristique indéniable. Et ce grâce à une offre de traversée de la forêt pluviale en milieu insulaire au-dessus de Grand Camp et de splendides vues sur les Saintes et la Dominique. Du morne Boucanier et du pic Vent soufflé par exemple, sur 360°, l’œil, en émoi, se délecte de l’éventail panoramique étourdissant des éléments constitutifs de la nature guadeloupéenne et de la biodiversité ambiante. Car il convient de préciser que l’image montagnarde de la commune revêt d’autres facettes que celles évoquées précédemment. Mentionnons prioritairement l’extrusion lavique cylindrique comme posée sur le replat de Bisdary, le dôme du Houëlmont sur fond de Mer Caraïbe, serti de sa caldeira et du littoral accore de la route de Vieux-Fort dont les vertigineux talus bordiers dévoilent les déferlantes basales d’un ancien volcan surtseyen.

Sur le chemin des découvertes et de la curiosité identitaire, autant de traces patrimoniales naturelles frappées d’originalité que l’autorité municipale actuelle s’efforce ardemment de valoriser et qui commandent de réconcilier géographie et histoire, espace contingent et temps de l’homme.

*(géographe)
(1) ancienne caldeira, ou cratère d’explosion, occupé par un lac
(2) (espagnol) plateau magmatique dû à la mise en relief d’une coulée par l’érosion (3) abaissement localisé d’un axe anticlinal ou montagneux

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